Parce que c’est juste, ou par conditionnement ?

Une cuillerée pour Maman…

Comment une petite phrase anodine, culturellement bien implantée, peut avoir des impacts tout au long d’une vie ?

Un jour j’ai entendu ma belle-mère qui gentiment faisait manger notre fille et lui disait :  « allez, il faut manger… Une cuillerée pour Mamie … une cuillerée pour Papi … ».

Vous avez certainement vécu des prises de conscience qui vous ont figé sur place. Là, j’étais en train de couper des concombres, et je me suis figée.

Je venais de prendre conscience de tout ce qu’il y avait derrière cette phrase, que j’avais déjà probablement dite moi-même un certain nombre de fois.

❌ Il « faut » manger : c’est important pour bien grandir, tu as besoin de manger … même si tu n’as pas faim

❌ Une cuillerée « pour » Mamie : allez, fais plaisir à Mamie, mange… que tu aies faim ou pas

Tellement d’images se sont bousculées en moi.

L’obstétricien qui était venu me voir pour me dire, quand notre premier enfant né un peu tôt tardait à reprendre du poids et que j’étais stressée par les puéricultrices, elles-mêmes probablement un peu inquiètes, « vous savez, je n’ai jamais vu un bébé se laisser mourir de faim ». Merci monsieur ! J’ai commencé à faire confiance à notre bébé, à me faire confiance pour suffisamment l’allaiter. Je lui ai donné du temps alors que les puéricultrices me demandaient de la peser avant et après chaque tétée et me disaient combien de grammes elle devait prendre à chaque fois. Elle a repris du poids. A l’époque je ne savais pas que je venais de me « repositionner » : j’avais pris conscience de quelque chose, et j’avais décidé de changer dans ma façon d’être et d’envisager les choses. Avec un impact presque immédiat.

J’ai revu une réunion où j’avais été la seule à prendre la parole pour dire que je ne ferai pas quelque chose qui nous était demandé et qui allait à l’encontre de certaines de mes responsabilités managériales, en l’occurrence prendre soin de mes équipes.

Et j’ai vu à quel point, au quotidien, nous apprenons à faire non pas ce qui est juste, mais ce que l’on nous demande de faire. Nous avons appris à regarder les autres, pour savoir ce que nous devions faire. Nous nous sommes progressivement coupés de notre ressenti pour manger alors que nous n’avions pas faim, parce que c’est l’heure, parce qu’il faut manger, pour faire plaisir, pour finir notre assiette, …

Je me suis même vue au restaurant demander systématiquement aux autres ce qu’ils allaient prendre avant de choisir mon plat. En quoi le fait de savoir ce que les autres vont prendre a-t-il un lien avec ce que moi j’ai envie de manger ? Aucun. Maintenant, dans le constat et sans jugement, j’étais influencée par le choix des autres, avec souvent en cours de repas, des regrets de ne pas avoir pris ce qui, au fond, me faisait envie.

Et là, avec cette phrase, je voyais, ou plutôt j’entendais, à quel point nous apprenons tôt aux enfants à faire « ce qu’il faut faire », et pas ce qui est juste.

Mes prises de conscience à ce sujet ne sont pas venues seules. Elles ont eu lieu alors que j’étais en train de me former au Leadership Ethique. J’avais découvert à la fois le repère extérieur, et le Repère Intérieur – ressentir ce qui est juste, le confirmer par la logique, et agir en fonction.

Le Repère Intérieur est essentiel pour agir pour un mieux pour nous-même et pour le monde : quand nous agissons par conditionnement, quand nous vivons une demande comme une obligation, sans prendre de recul pour envisager les effets de nos actions, ou sans oser parler des effets que nous voyons, nous sommes coupés de notre repère intérieur. Et c’est bien compréhensible puisque globalement, nous n’avons pas appris à l’écouter.

Pour autant il est bien là. C’est lui qui crée cette fameuse dissonance cognitive : au fond je sens bien que je suis en désaccord avec ce que je fais, même si ce n’est pas forcément très clair sur l’instant. Il y a le flou, la peur, les habitudes de fonctionnement tellement ancrées que nous n’en avons pas conscience… Et c’est ce malaise tapis au creux de notre estomac qui nous signifie que quelque chose ne va pas.

Et je l’ai enfoui des dizaines, des centaines, peut-être des milliers de fois, ce malaise. Parce que je ne savais pas que je pouvais agir, parler, proposer autre chose. Aujourd’hui je le sais. Et parfois encore cela reste difficile, ce qui me fait prendre la mesure de la profondeur de ces conditionnements. Et me fait travailler le non-jugement sur les autres : eux aussi, comme moi…

Alors, si vous aussi vous voulez créer autre chose pour vous et pour ceux autour de vous, posez vous la question quand ce malaise vous saisit : au fond, de quoi est-il question ? Et voyez comment vous pouvez agir différemment de votre premier réflexe conditionné.

Si vous voulez aller plus loin sur le sujet, plusieurs possibilités :

Dans tous les cas, prenez le temps de ressentir avant d’agir.

Je vous souhaite une belle journée,

Gwenola